La symphonie no 3, dite « des chants
plaintifs », du compositeur polonais Henryk Górecki, a connu un succès inattendu
lorsque son enregistrement par la London Sinfonietta, en 1992, s’est vendu à
plus d’un million d’exemplaires dans le monde et devint, de tous les temps,
l’album le plus vendu d’un compositeur contemporain. Ce n’est pourtant pas l’œuvre
de Madonna, ou Britney Spears, mais une musique sombre, poignante, tirée de
textes profondément religieux – le second mouvement s’inspire des mots d’une
prière à la vierge Marie retrouvée sur les murs de la cellule d’une prisonnière
polonaise dans le siège de la Gestapo à Zokopane, dans le sud du pays. Górecki
fait partie d’un groupe de compositeurs radicaux qui écrivaient de la musique
souvent exempte de rythme ou de mélodie et centrée surtout sur la tonalité;
plus celle-ci était crue, forte et discordante, mieux c’était. Pour Górecki, la
musique devait toujours être significative et porteuse d’un message. À l’instar
du rythme lent d’une longue prière rituelle sourde et angoissante, la symphonie
des chants plaintifs exige l’attention de celui qui écoute pendant une
heure. Ces trois mouvements tout en lenteur, progressent des basses graves, presqu’inaudibles
aux instruments à cordes jusqu’à ce que l’orchestre entière soit engagée dans
toute sa gloire.
La souffrance, la peur, l’angoisse sont des sentiments
réels. Bien que je sois fort consciente de l’importance d’être positive, de
profiter de tout ce que la vie m’offre de doux et de bon, je suis tout aussi
consciente de la valeur de savoir regarder la réalité en pleine face. J’ai un
cancer et même si mon pronostic est favorable, l’impact des traitements de
chimiothérapie m’ébranle. La sensation d’avoir le corps chargé de produits chimiques
est troublante. Et il en est de même pour la vue de mon visage et de mon corps
enflés, pour la perte de mes cheveux, sourcils, cils, et poils, pour mon
insomnie causée par la surcharge de cortisone. L’idée des nombreuses cellules saines qui sont détruites en même temps que les mauvaises aussi, et d’une
éventuelle mastectomie.
S’il est important d’être positive quant à toutes ces
inquiétudes qui m’assaillent par moment, et d’AGIR, il est avant tout important
d’y faire face. Ces craintes sont authentiques, elles sont tout à fait
légitimes, HUMAINES et avant de pouvoir passer à autre chose, je me dois de reconnaître
leur présence en moi. C’est ce qui me permet ensuite de les apprivoiser et, par
la suite, d’en apprécier la valeur dans mon parcours humain.
Autant que la musique de Górecki peut déranger, mon cancer
me dérange. Je ne peux faire abstraction de sa présence. Au contraire, je le laisse m’atteindre et,
actuellement, je m’en sers afin d’exprimer le plus « précisément » ce
qu’il me fait vivre. Je lui donne une voix à travers mes œuvres, et mes œuvres
traduisent visuellement les sensations que produit en moi ce cancer.
À quoi peut-on attribuer le grand succès de la symphonie no
3 d’Henrick Górecki ? Au-delà du fait qu’il s’agit d’une musique profondément
belle et certainement unique, le « minimalisme sacré » de Górecki a su exploré le besoin profond des gens, en ces temps profanes et
incertains, pour ce qui a un sens, pour ce qui touche au divin, pour ce qui est
réconfortant et sécurisant d’une manière plus profonde que ce que nous offre maintenant
notre civilisation contemporaine. Voici ce qu’en déclare une critique :
… l’une des œuvres
les plus sombres et tristes qu’il soit donné d’entendre. La liberté artistique
propre aux contemporains permit à Gorecki… d’aller à l’essentiel… grâce à une
science acquise en maître de la musique contemporaine, de ne pas enjoliver, de
ne plus compliquer… nous voici donc, avec lui, au plus profond. A l’aide de
quelques notes, d’harmonies bouleversantes, il vous cerne le cœur, il l’écrase…
il vous oppresse le corps. Tout semble pourtant calme, le lento médian est
d’une beauté éthérée et lumineuse à faire pleurer les morts… cette symphonie se
tait, mais fait hurler votre âme. Une voix de sirène et qui pleure avec grâce,
une vision des abysses… un des plus immenses chefs-d’œuvre de la musique pour
larmes.
Je
suis reconnaissante à Henrick Górecki d’avoir cru à l’essentiel, d’avoir
eu le courage d’aller au plus profond des abysses nous ayant permis d’apprécier
cette œuvre divine monumentale dont je m’inspire aujourd’hui dans la création
de mes œuvres.
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