Marc m’a lu, il y a quelques soirs, cet extrait de Où tu vas tu es de Jon Kabat-Zinn. Je l’écris intégralement,
car je crois profondément en l’importance de ce que soulève l’auteur. Je
souhaite tendre vers ce mode de vie et je suis reconnaissante envers les grands
penseurs comme Thoreau qui ont pavé la route afin que nous puissions suivre
leur trace. Je suis consciente que cela peut représenter le travail de toute une vie,
mais il est l’heure du départ :
Il m’arrive souvent d’avoir l’impulsion d’introduire quelque
chose en plus dans le moment présent. Encore un coup de téléphone, encore un
petit arrêt sur mon chemin avant d’arriver ici.
J’ai appris à identifier cette pulsion et à m’en méfier. Je travaille
dur à lui résister. Elle m’incite à lire pour la énième fois le contenu
diététique sur la boîte de céréales en prenant mon petit déjeuner. Cette
impulsion se nourrit de n’importe quoi pourvu que ça occupe ailleurs. Le
journal du matin est la tentation idéale, ou le catalogue de jardin, ou n’importe
quel écrit qui traîne. Elle récupère tout pour m’abrutir avec la complicité de
mon esprit embrumé. Elle me remplit le ventre sans que je puisse vraiment
apprécier mon petit déjeuner.
Cette pulsion ravageuse me rend parfois indisponible à ce
qui m’entoure. Ainsi, je ne vois pas le rayon de lumière jouer sur la table, je
ne sens pas la bonne odeur du bacon en train de frire. Je suis distrait par les
énergies éparpillées autour de moi, les discussions et les querelles de la
famille qui est réunie avant de se disperser pour les diverses occupations de
la journée.
Il me plaît de simplifier ma vie afin de contre-carrer de
telles impulsions et de permettre à toute nourriture d’alimenter mes racines
profondes. Cela signifie que je m’efforce de ne faire qu’une seule chose à la
fois. D’être disponible aussi. Pendant une journée de nombreuses occasions se
présentent : aller se promener, en passant quelques instants avec le chien
pendant lesquels je suis entièrement à lui. Simplifier la vie veut dire moins
de déplacements au cours d’une journée, voir moins afin de voir mieux, faire
moins afin de faire plus, acquérir moins afin de posséder plus. Tout est lié.
Pour moi, père de famille, mari, fils aîné de mes parents, très impliqué dans
mon travail, l’impulsion de partir m’asseoir sous un arbre dans la forêt, de
vivre auprès d’un étang de Walden, d’écouter l’herbe pousser, de voir les
saisons changer, pose un sérieux problème. Cependant, parmi le chaos organisé,
la complexité de la vie de famille, ses frustrations et ses dons merveilleux,
il y a toujours moyen de choisir la simplicité dans les petites choses.
Ralentir le rythme nous simplifie la vie. Ordonner à mon
corps et à mon esprit de rester tranquillement avec ma fille au lieu de
répondre au téléphone. Ne pas suivre l’impulsion de téléphoner à quelqu’un qui « a
besoin d’être appelé » justement à ce moment-là. Ne pas céder à la pulsion
d’acheter n’importe quoi en écoutant les sirènes de la publicité sous toutes
ses formes. D’autres moyens de simplifier la vie sont peut-être de rester chez
moi un soir, sans rien faire de particulier, en lisant un livre, en me promenant
seul ou avec l’un de mes enfants ou ma femme. Ou encore d’empiler les bûches
sur le bûcher, ou de contempler la lune ou de sentir sur mon visage la douceur
de l’air sous les pins. Je pourrais aussi aller me coucher tôt.
Je m’efforce de dire non, afin de me simplifier la vie, mais
c’est difficile. C’est véritablement une discipline ardue qui mérite tous nos
efforts. Parfois, il s’agit d’un choix délicat, car il y a des opportunités et
des demandes auxquelles il faut répondre. Cela exige une adaptation, une
réévaluation constantes. Mais je me suis rendu compte que le principe de
simplifier les choses de ma vie me rend attentif à ce qui est important, à la
corrélation entre l’esprit et le corps et l’univers entier. On ne peut jamais
tout contrôler; mais le choix de la simplicité ajoute à l’existence un
sentiment de liberté qui nous échappe si souvent et l’occasion de découvrir que
le moins est peut-être le plus.
Pour faire suite à plusieurs réflexions en ce sens, Marc et
moi avons décidé d’éliminer la télévision de notre salon. Il s’agit pour nous d’un
geste significatif auquel s'ajouteront d’autres modifications qui tendent vers une
simplification de notre vie telle que nous la souhaitons.
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